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    Egypte: Pipeline explosé, pouvoir divisé

    Le Caire, 6 février 2011. Hier, un pipeline alimentant la Jordanie explose dans le Sinaï. L'information est annoncée en premier par la télévision égyptienne d'état qui accuse des éléments étrangers.

    Le canal d'information utilisé est le même que celui de toutes les manipulations médiatiques que l'opinion subit depuis 12 jours. Elles sont outrancières et caricaturales. Le langage pour dénoncer les attaques est le même que celui qui vise à discréditer le mouvement populaire: "des éléments étrangers sont responsables de cet acte". 


    Des événements comme ceux-ci, d'une portée internationale, conduisent à penser que seul Moubarak serait capable de garantir la stabilité de la région. 

    Analyse

    Ces derniers jours, on constate plusieurs signes de divisions à l'intérieur du gouvernement et à l'intérieur de l'armée.
     
    Divisions au sein de l'armée
    Les élites de l'armée, dont les intérêts financiers sont importants (industries alimentaire, hôtelières, fabrication du pain, industries lourdes), sont proches de Moubarak. Les militaires de "rang moyen" sont favorables aux manifestants anti-Moubarak, les moins gradés sont carrément favorables à la manifestation.

    Courants indépendants au sein de la police
    On constate aussi des signes de division au sein du gouvernement. Le ministère de l'intérieur est un organe majeur et central du régime et des hommes d'affaires proches de Moubarak, non pas parce qu'ils le soutiennent idéologiquement, mais parce qu'il sert leurs intérêts. Officiellement, le nouveau premier ministre demande aux forces de police de ne pas intervenir et de ne pas bloquer les manifestants. Cependant plusieurs, et même quand ils ont été privés de leur ministre, Habib el Adly, des membres de la police mènent sans arrêt des campagnes de terreur et d'intimidation: policiers en civils, casseurs du mouvement populaires, etc. Il semble qu'il y ait des courants indépendants au sein même de la police, avec des motivations différentes, mais qui vont toutes "dans le sens du Führer". Plusieurs éléments indiquent que ces courants indépendants sont activés par des hommes d'affaires, par des ministres ou des membres du parlement. 

    Complaisance entre la police et l'armée
    On pense aussi que certaines élites de l'armée soit complaisantes, ce qui expliquent que, tantôt l'armée laisse entrer les hommes de main "pro-Moubarak" place Tahrir, tantôt elle les en empêche; qu'elle participe, avec le concours de la police et d'hommes de main, à l'arrestation musclée d'activistes dont deux membres d'Amnesty International dont les témoignages ont été publiés.

    A noter
    Il est important de noter que, depuis le début de ce mouvement, les actes destructeurs perpétrés par manifestants ont visé des symboles du régime et non les forces vives du pays: les sièges du Parti National Démocratique, les cars de police, les postes de police. Dans les manifestations, dès que les troubles ou que les affrontements commencent, deux messages circulent avec vigueur : "Ne détruisez rien" et "Pacifiques".

    Conclusions
    Ces éléments réunis me portent à croire que l'explosion de ce pipeline n'est ni l'œuvre des manifestants, ni celle de groupe islamistes, ni celle de bédouins qui disposent en effet d'armes et de lance-roquettes, mais l'œuvre d'un des courants officiels cités plus haut: élite militaire, police, police commanditée par les hommes d'affaires, des membres du parlement ou par des dignitaires du régime.

    Il n'est pas à exclure qu'il y ait des complicités entre deux ou plusieurs "entités", par exemple entre les élites militaires et les hommes d'affaires ou les élites militaires et la police. Les intérêts financiers, les scandales étouffés et les privilèges communs sont nombreux. Maintenir Moubarak mettrait, en effet, tout le monde à l'abri.

    Je souhaite conclure sur un point très bien décrit dans cet article du New York Times par Elisabeth Bumiller. La journaliste y décrit un changement radical au sein des élites de l'armée. Ce changement, à l'œuvre depuis plus 30 ans, trouve son origine dans la libéralisation de l'économie égyptienne lancée par Anouar el Sadate en 1975. De décennie en décennie, l'esprit des élites de l'armée se voit modifié. Le rapport des élites avec le pouvoir politique civil change également de nature. Depuis la libéralisation de l'économie, l'armée s'est "affairisée", partageant les mêmes aspirations et les intérêts financiers que ceux des hommes d'affaires civils. Ces hommes d'affaires ne sont autres que leurs enfants, leurs proches ou leurs cercles d'amis. 

    Que les élites de l'armée soutiennent Moubarak et l'aide à se maintenir au pouvoir servirait la continuité de leurs intérêts et de leurs privilèges. Il ne paraît donc pas absurde que cette armée divisée protège les manifestants, négocie avec Washington tout en prêtant main forte aux pro-Moubarak, aux hommes de main et aux policiers en civils.

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